"Suis-je l'auteur de ma vie ?"
CAFE PHILO SOPHIA
Samedi 27 janvier 2018 à 17h45 à la médiathèque de Maraussan
Le Sujet
"Suis-je l'auteur de ma vie ?"
Présentation du Sujet
Etre « l’auteur de sa vie », « Faire de sa vie une œuvre d’art », comme le préconisait le dernier Michel Foucault… Comme un auteur littéraire qui est le créateur des personnages et del’intrigue de son roman ? Ou le peintre de son tableau ? Mais cela ne suppose-t-il pas, pour qu’un tel acte démiurgique puisse avoir lieu, une mise à distance et une extériorité du créateur et de son œuvre, alors que dans la vie le sujet de la vie est également son objet, créateur et créature sont confondus ? Une vie peut certes se raconter mais comment puis-je être « l’auteur » d’une telle histoire alors que je suis moi-même dans la mêlée sans avoir la plupart du temps une compréhension exacte de ce qui m’arrive ? Quoi qu’il en soit, constatons comment cette formule devient souvent une injonction insistante dans notre monde contemporain où l’idéal du « self-made-man » est omniprésent. « Inventez votre vie ! » dit sans vergogne Jacques Attali… Au-delà du slogan, quelle est vraiment la réalité d’un tel pouvoir sur notre existence ? Entre liberté et nécessité, ne devons-nous pas privilégier des réponses qui font une place équilibrée à l’expérience, au récit de vie, à l’action ?
Ecrit philo
« Suis-je l’auteur de ma vie ? »
CAFE PHILO SOPHIA MEDIATHEQUE DE MARAUSSAN
SAMEDI 20 JANVIER 2018 17H45
« Suis-je l’auteur de ma vie ? »
Cette interrogation nous conduit à nous demandersi notre commune condition consiste à être l’auteur de notre vie.Mais que signifie précisément un choix existentiel dans cette direction (en admettant que telle soit mon souhait) ? Quel peut être le sens d’une telle résolution, avec éventuellement quelles limites et quels obstacles ?Elle apparaît tout d’abord et immédiatement comme le vœu d’une plus grande maîtrise sur sa vie, d’une plus grande liberté dans le choix d’options de vie particulières, moins soumis aux conformismes d’une part, et aux déterminations extérieures d’autre part.Il s’agirait de se forger une existence qui nous ressemble vraiment, et qui soit le fruit de notre volonté. Vivre, n’est-ce pas précisément s’orienter pas à pas, à partir de nos décisions et de nos actions, dans le mode d’existence de notre choix ? Ou bien l’expérience que nous pensons avoir d’une telle progression est-elle totalement illusoire, celle-ci étant largement déterminée par le hasard (celui de ma naissance par exemple) et/ou des facteurs externes ou internes qui s’imposent à moi ? Comment donc penser cette relation entre moi et ma vie, voilà finalement la question essentielle…
La vie peut-elle être comme une œuvre dont je serai l’auteur ?
Cette question est volontiers associée à celle de l’auteur d’une œuvre, comme un roman par exemple. Tout le monde connait l’expression « faire de sa vie une oeuvre d’art »… Ces expressions font ainsi de la vie une création ou une invention, au même titre qu’un roman, une peinture, une sculpture ou une musique… En quelque sorte démiurge de sa vie, il s’agirait pour celui que nous sommes de la faire sortir du néant et de la nourrir de telle sorte qu’une sorte de cohérence ou de forme d’ensemble s’impose progressivement comme création personnelle. Mais qui est le supposé sujet-substrat de cette création ex-nihilo ? Moi bien sûr, mais qui suis-je, avant même d’avoir commencé ma vie ?Vivre c’est aussi ne pas avoir choisi de vivre, et se retrouver « embarqué » dans la vie, avant même de pouvoir occuper une place à distance d’elle… Bien sûr je suis le personnage principal ou l’acteur privilégié de ma propre vie, nul ne peut me le contester ; mais être le créateur ou l’auteur de sa propre vie implique une mise à distance entre le créateur à sa création très particulière. Ici l’auteur et sa production sont un seul et même être. Il est vrai cependant que même dans le cas du romancier, la distance qui le sépare de ses personnages fictifs est réelle mais relative : il ne sait pas toujours comment ils vont évoluer et ce qu’ils vont faire, entraîné lui aussi par la dynamique d’un récit qui le guide autant qu’il le guide. Le romancier se lance sans savoir toujours où il va vraiment, et laisse vivre des personnages qui peuvent le surprendre… Comme si les personnages vivaient désormais sans lui… Mais c’est précisément la magie de la littérature, et l’illusion de l’art en général : l’auteur est toujours en réalité le montreur de marionnettes tirant les fils de ses personnages. L’analogie est donc digne d’intérêt, même si l’observation de Arendt à ce propos est indiscutable : si une vie peut se raconter comme une histoire dont nous sommes les héros ou les acteurs, nous ne sommes pas pour autant stricto sensu les auteurs de notre histoire de vie. Nous sommes en réalité « dans la mêlée », et ne pouvons pas avoir la compréhension exacte de ce qui nous arrive. L’action est opaque, aux conséquences souventimprévisibles, et surtout irréversibles[1] : nous ne pouvons effacer avec une gomme les ratés comme dans un roman, et revenir en arrière pour recommencer… Nous reviendrons sur l’importance de l’action dans l’histoire d’une vie.
L’idéal contemporain du règne des autonomies individuelles : une approche anthropologique
En quoi cette question nous parle directement en tant que contemporains ? Sans doute parce qu’elle pourrait être la devise de notre monde : notre « imaginaire social »[2] valorise l’autonomie individuelle de façon tout à fait centrale. Des analyses comme celle de Marcel Gauchet sur « la nouvelle société des individus », ou de Ehrenberg sur « La fatigue d’être soi » (titre du livre qui l’a rendu célèbre) insistent sur la mutation anthropologique, véritable révolution silencieuse, qu’ont connu nos sociétés depuis un demi-siècle, et qui a affecté notre façon de penser l’identité personnelle, ainsi que notre être-ensemble et nos modes de vie. Le livre de Attali en offre malgré lui une version caricaturale[3] « Prenez le pouvoir sur votre vie ! Débrouillez-vous ! ». L’autonomie individuelle est censée être aujourd’hui l’alpha et l’oméga de nos vies, la clé de voûte du salut individuel. L’injonction est permanente : prenez votre destin en main, et devenez ce que vous souhaitez devenir ; la culpabilisation n’est pas loin quand les aléas et les malheurs de l’existence se transforme en échec, au nom de la liberté et de la responsabilité personnelles de chacun… Paradoxalement, une société qui ne parvient plus à proposer un projet collectif bien identifié pour l’avenir, se rabat sur la promotion du projet individuel et l’idéologie de la réalisation personnelle[4]. Cependant cet individualisme démocratique correspond effectivement à l’existence d’un individu davantage autonome, au sens où il s’est libéré d’une société holiste ou traditionnelle dans laquelle les liens préexistent aux éléments liés (les individus), et l’individu « incorpore » les normes, les règles et les valeurs de la tradition. C’est la raison pour laquelle cet individu contemporain à une tendance narcissique à se penser comme détaché et indépendant : « Le narcissisme contemporain voudrait penser l’individu comme une entité autonome qui se détache de toute appartenance et veut ignorer la société dans laquelle il vit ».[5] Ce nouvel individu semble soutenu par ce que MG appelle « une culture de la nature », c’est-à-dire une culture de l’authenticité qui privilégie soi-même et son expérience, et prétend prendre ses distances avec tout code social, et d’une manière générale avec toute forme de précédence ou d’antériorité collective[6]. Un individu auteur de sa vie et du sens qu’il convient de lui donner, source de toute valeur. Les anciens modèles disciplinaires sont remplacés par le management participatif, l’appel à l’initiative et la responsabilité dans l’entreprise, la flexibilité et le culte de la performance.Dans un monde qui promeut l’égalité des êtres comme une valeur centrale, chacun peut idéalement entrer en compétition à armes égales... De fait, nulle égalité réelle dans la compétition : "Nous sommes en principe égaux et en pratique hiérarchisés en fonction de principes non égalitaires parce que nous vivons dans une société stratifiée : les positions inaccessibles sont d'autant plus nombreuses que l'on descend dans la hiérarchie sociale"(Ehrenberg). Enfin, cette référence obsessionnelle aux performances ne peut que se couronner dans celle qui est sensée les résumer toutes, celle du bonheur, en l’occurrence rabattue sur un idéal de consommation :« cette assignation à l’euphorie qui rejette dans l’opprobe ou le malaise ceux qui n’y souscrivent pas »[7]. Nous terminerons cette trop rapide référence au contexte anthropologique dans lequel doit s’insérer une telle déclaration –être auteur de sa vie – par l’évocation de cette thèse de « la fatigue d’être soi » : l’individu conquérant esten même temps un fardeau pour lui-même. Ayant le sentiment d’être entièrement responsable de son devenir, il est sans cesse confronté à des initiatives, des choix, des décisions qui ne relèvent que de lui-même et qui engagent sa vie... La grande question se posant désormais à nous qui avons conquis notre liberté est de se demander ce que je vais en faire concrètement : comment devenir soi et agir ? En conclusion de ce point, il est remarquable qu’un environnement ainsi marqué par la référence cardinale à l’autonomie personnelle soit propice à l’éclosion et au développement de telles figures existentielles : « être soi-même », « être l’auteur de sa vie » sont en quelque sorte des idéaux propres à ces sociétés. En revanche, ces figures sont loin d’être inédites –elles existent par exemple dans la société antique sous des formes un peu différentes -, et doivent être « mise à la question philosophique » : que signifie véritablement l’expression « être auteur de sa vie » ? En quel sens peut-on en être l’auteur ? En quel sens au contraire peut-il s’agir d’une mission impossible ?
Pour être tout à fait concret dans l’introduction de ces questions, pensons tout d’abord à la façon dont les choses se passent dans ce que nous pourrions appeler avec François Jullien « une première vie » : ce que nous pensons être des « choix » dont je suis l’auteur en sont-ils vraiment ? Comment choisir, comment vivre sinon en aveugles ? Bien sûr nous faisons des « choix » : genre de vie, d’amour, de métier…, mais ce que nous qualifions ici de choix ne sont-ils pas en réalité « résultatifs », c’est-à-dire les conséquences d’un certain nombre de déterminations qui ont lourdement pesées sur eux ? Nous sommes le plus souvent sans recul et sans conscience au moment de ses choix, et nous les qualifions comme tels rétrospectivement. Comme le dit François Jullien[8], nous ne savions pas seulement ce que nous choisissions, mais que nous choisissions… Sans pour autant vouloir aborder directement ici la question métaphysique de la liberté et du déterminisme, qui n’est pas nécessairement convoqué dans cet exemple, toujours est-il que le projet d’être l’auteur de sa vie apparaît d’ores et déjà comme difficile, même si l’idéal affiché semble désirable. Des choix plus véritables ou des initiatives plus libres peuvent-ils s’imposer de telle sorte que je devienne l’auteur de ma vie ?
Façonner sa vie....
Si nous lisons Pierre Hadot le grand spécialiste de la philosophie antique, cet idéal de vie qui consiste à être l’auteur de sa propre vie semble bien en accord avec l’ambition de cette philosophie de « sculpter sa vie » de façon à transformer sa manière de vivre, cela en s’appliquant à réaliser un certain nombre d’exercices spirituels. Toutes les écoles philosophiques de l’Antiquité sans exceptions proposent ainsi des méthodes de conduite de vie. S’il s’agit de réaliser le plus possible une certaine unité de la vie humaine selon un ordre, une cohérence et une hiérarchie des désirs et des projets, nous ne pouvons pas y parvenir totalement –seuls les dieux peuvent le faire -, mais seulement nous en approcher. Cependant, la proximité entre la connaissance et la conduite d’une vie spirituelle est évidente chez les penseurs de l’antiquité. C’est grâce à l’examen de nos vies que nous pouvons nous approcher d’un idéal de vie désiré[9]. Ils ont cherché à concevoir ce que pourrait être une vie humaine entièrement façonnée par la philosophie, la rationalité, l’examen critique. Michel Foucault, très influencé par la réflexion de Pierre Hadot (même si celui-ci ne reconnaîtra pas vraiment la filiation entre la philosophie comme manière de vivre des grecs et des latins, et le « souci de soi » foucaldien), souhaite renouer au début des années 80 avec cette tradition. « Ce qui m’étonne, c’est que dans notre société, l’art n’est plus de rapport qu’avec les objets, et non pas avec les individus et avec la vie (…). Mais la vie de tout individu ne pourrait-elle pas être une œuvre d’art ? Pourquoi un tableau ou une maison sont-ils des objets d’art, mais non notre vie ? »[10]. Faire de sa vie une œuvre d’art, en être à la fois l’auteur et le héros, la façonner et la sculpter pour atteindre une forme de perfection et de beauté, telleserait l’aspiration de Foucault[11], se revendiquant en cela des Anciens. Il en appelle lui aussi à des « techniques de soi » par lesquelles « les hommes se fixent non seulement des règles de conduite, mais cherchent à se transformer eux-mêmes. »[12]. « Le bon gouvernement de soi » s’étend non seulement au corps, mais aussi à l’esprit, aux pensées. Nous retrouvons comme chez les Anciens le même « souci de soi » : il s’agit de se préoccuper de son âme, d’affirmer son indépendance morale, de cheminer vers la vérité, la sagesse ou le bonheur… Hadot dira, après la mort de Foucault, son désaccord avec une vision du souci de soi finalement éloignée de celle des grecs à cause d’une centration trop excessive sur le soi qui s’apparenterait à une forme de narcissisme, rejoignant ainsi ce que l’on pourrait appeler « le culte contemporain de soi ». La visée antique est celle d’un dépassement de soi où l’individu se transcende pour saisir sa double appartenance au « Tout de la communauté » et au « Tout cosmique ». Il n’est pas certain d’ailleurs que cette critique s’applique vraiment aux développements de Michel Foucault qui considérait la philosophie comme une « ascèse » visant à « se déprendre de soi-même ». Mais la question qui se pose aussitôt est la suivante : puis-je vraiment considérer ma vie comme une œuvre d’art dont je serais le créateur ?
N’y-a-t-il pas aujourd’hui une tendance insistante, dans le cadre du retour en force des spiritualités anciennes souvent recyclées à la mode contemporaine, à franchir la faille des siècles –ou plutôt des deux millénaires – qui nous sépare de l’imaginaire social grec, pour reconduire les mêmes enseignements en les édulcorant ? Qu'en penser ? Une telle façon de penser les rapports de la vie et de son agent (nous-mêmes)nous apparaît aujourd’hui comme obsolète pour différentes raisons :
La « domination absolue de la pensée sur la vie » est-elle encore pertinente ?
Le primat absolu reconnu à l’activité intellectuelle ou « cette domination absolue de la pensée sur la vie » dont parle Monique Canto-Sperber[13], propres à la pensée grecque, ne semble plus pouvoir être soutenable aujourd’hui. Nous sommes plongés dans cette vie qui s’impose à nous comme une réalité irréductible à toute emprise de cette nature. Loin d’être « un empire dans un empire » (Spinoza), nous ne pouvons plus croire raisonnablement que nous sommes cet individu souverain qui dispose de sa vie au nom des libres décrets de sa raison ou de sa volonté. Comment faire abstraction du tragique de l’existence et du destin qui nous est assigné ? Penser sa vie, c’est commencer par une épreuve de vérité qui risque de nous conduire à une perception expurgée de ses illusions de départ : faire l’expérience de sa finitude de mortel, de ses limites, de « l’insignifiance » de la vie (au sens d’absence de sens objectif), et de cette césure par conséquent qui existe entre soi-même et sa propre vie, mais aussi de l’impossibilité de « défusionner » ou désolidariser l’acteur de son existence : la vie n’est pas ce matériau extérieur que l’on modèlerait à loisir comme le sculpteur la matière. Je suis en même temps et indistinctement sujet et objet de ma vie.« Vivre, c’est ne pas avoir choisi de vivre » : non seulement je n’ai pas choisi ce voyage particulier, ni le port d’attache (ma naissance), la plupart des passagers, et la direction finale, mais je n’ai pas choisi non plus le genre de bateau, sa robustesse, sa beauté... Bref, je n’ai pas choisi mon visage, mon corps, et tout ce qui va avec…. Et même si le transhumanisme offre de nouvelles perspectives souvent un peu effrayantes, le « devenir-individu » ou, ce qui revient au même, mon autonomie, doit (jusqu’à quand ?) se construire à partir de ses contingences qui n’en constitue pas moins des contraintes irréductibles. Raphaël Enthovenaffirme que nous ne pensons pas (d’abord) pour mieux vivre ou mourir, mais c’est la vie qui nous fait penser. On ne demande pas aux philosophes – ou à la pensée en général – des raisons de vie, mais c’est la vie qui nous donne des raisons de penser. Le point de départ de la philosophie, c’est l’expérience de l’existence au quotidien.Cependant l’inversion proposée par Enthoven, que l’on pourrait interpréter comme si notre vie n’était que matière à penser et à questionnement, évacue trop rapidement l’action en retour de cette « vie examinée » (pour reprendre l’expression de Socrate). Même si la confiance des grecs dans le pouvoir que nous pouvons exercer sur notre vie doit être sensiblement relativisée, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas. La préconisation de André Comte-Sponville est sans doute plus juste : il nous incite à « penser sa vie et vivre sa pensée » : les rapports de la pensée et de la conduite de son existence doivent alors être davantage pensés en termes d’aller-retour permanent : ce sont les deux pôles distincts dont la philosophie constituerait l’ellipse, et l’heureuse formule de André Comte-Sponville exprimerait bien cette dialogique entre l’un et l’autre. Nous devons toujours nous méfier des décalages ou des distorsions entre la pensée et la vie si nous voulons avoir une vie vraiment philosophique. Michel Foucault à la fin de sa vie disait qu’il fallait à chaque instant, pas à pas, confronter ce que l’on pense et ce que l’on dit avec ce que l’on fait, ce que l’on est. Il s’agit là d’une exigence solidaire d’une éthique de pensée. Et sans doute s’agit-il de l’essentiel pour lui : m’engager entièrement dans ce que je fais de façon à faire le moins de choses possible machinalement. Autrement dit, « intensifier son rapport à soi, son immanence à soi » par l’attention, la présence, l’étonnement. Sans rien retirer de ces précieux conseils, il nous faut bien reconnaître cependant que la manière dont Michel Foucault véhicule plus ou moins implicitement une conception philosophique originaire du sujet comme matière éthique qui se façonne dans un rapport à lui-même, aux autres et au monde, apparaît problématique compte-tenu des objections précédentes. Notre vie n’est pas un matériau qu’on modèle à loisir : elle est irréductible à tout « modelage ». Nous verrons comment cependant nous pouvons réinvestir autrement une telle orientation.
Quelques effets pervers d’une « esthétique de l’existence » ?
Prétendre vouloir néanmoins se soumettre à cette sorte d’ « esthétique de l’existence » peut également conduire à trois risques complémentaires :ceux du dandysme, de « la standardisation de soi »», et du « faux-self ». Ils ne sont bien entendu que des caricatures, le plus souvent en l’absence de véritable engagement. Autrement dit, en l’absence d’un désir (au sens lacanien) qui nous meut profondément, de telles postures apparaissent très affectées et superficielles. La premièreferait l’éloge des conduites à proportion de leur seule valeur esthétique. Elle est souvent toute entière vouée à l’originalité et l’excentricité, puisque le premier des soucis est de se distinguer d’autrui et d’afficher une différence qui va choquer. La secondeest le résultat d’un effet de mode : il s’agir de rester « branché » coûte que coûte, et de se saisir des engouements du moment. Prisonnier d’une image qu’il pense le grandir aux yeux d’autrui et à ses propres yeux (et l’esthétique est aussi une question d’image), il reste souvent captif des pressions de la société, et finit paradoxalement par faire des choix très conformistes qui ne sont qu’un simulacre d’autonomie. L’autre cas, celui du faux self[14], peut se rapprocher de celui-là mais serait davantage le résultat pathologique d’un Surmoi tyrannique. L’excès de dirigisme au nom d’une image idéalisée de soi-même transformerait ce présumé « libre gouvernement de soi » en menace constante de la part d’un surmoi impitoyable qui surveille et punit le moindre de nos gestes. La toute-puissance d’une telle référence idéalisée pourrait enfermer nos vies dans une sorte de facticité dont nous serions prisonniers. Bien loin d’être « l’auteur de notre vie », nous serions livrés entièrement à la sévérité de prescriptions répressives… Force est de constater que nous avons le plus souvent affaire à des combinaisons variables de ces trois options… Si « l’œuvre » doit ressembler à l’une d’entre elles, peut-être vaut-il mieux, comme le dit Martin Duru[15], « désoeuvrer nos vies », cesser de s’ériger en souverain, « accepter de se laisser déborder par les désirs et les puissances impersonnelles qui nous traversent… s’ouvrir à l’expérience de la dépossession de soi », plutôt que de « se laisser identifier et figer dans un projet univoque ».
Quel pouvoir sur sa vie ?
Plutôt que de croire dans cette perspective à vrai dire un peu mégalomaniaque de la vie comme œuvre d’art, ne devons-nous pas nous préoccuper de savoir quel réel pouvoir nous pouvons exercer sur nos vies ?Le modèle anglo-américain de l’agent rationnel nous fournit une première piste ; c’est elle d’ailleurs qui nourrit implicitement nombre d’accompagnements dans le domaine du conseil, du développement personnel ou du coaching. De quoi s’agit-il[16] ? La vie est appréhendée comme ensemble d’options à réaliser, auxquelles correspondent des choix et prise de décisions incluant une conception donnée des biens et des plaisirs. La notion de « projet de vie »[17] est ainsi une référence incontournable ; l’individu est pensé comme auteur d’une vie unifiée. Au terme d’une délibération rationnelle, il choisit, parmi l’ensemble des projets de vie possibles, celui qui lui paraît être le meilleur : celui qui a le plus de chances de réaliser nos buts les plus importants. Le bonheur sera ainsi le test psychologique permettant d’évaluer le succès de ce projet. Ce qui est bien sûr le plus discutable dans cette conception est l’idée d’une délibération rationnelle portant sur l’ensemble de la vie humaine. Celle-ci est psychologiquement invraisemblable. Il n’y a jamais ainsi ma vie devant moi comme un rectangle vide à remplir, dont la taille est donnée d’avance... Ce que j’ai vécu, le genre de vie que je mène, conditionne grandement, à chaque moment, les désirs et jugements ultérieurs (autrement dit, et quoique je prétende, ma vie est « déjà là » et précède toute forme de réflexion à son sujet...).L’idée d’une « délibération rationnelle des projets de vie » apparaît par conséquent irréaliste et repose de plus sur une conception réductrice d’un sujet transparent à lui-même.
Cela ne signifie pas pour autant que la réflexion n’exerce pas une influence sur la vie humaine, elle est même inséparable de cette vie : il est dans la nature de la condition humaine de « s’appliquer à soi-même », selon la belle expression de Marcel Gauchet à propos des sociétés humaines. C’est-à-dire ? De la même manière que nos sociétés humaines sont capables, dans une certaine mesure, d’exercer sur elles-mêmes comme ensemble un certain pouvoir, de façon à se diriger et à s’orienter – ce que Marcel Gauchet appelle « le politique », et qui concerne tout type de société, et pas seulement la démocratie -, nous avons individuellement également cette capacité – limitée – de mieux nous comprendre pour mieux nous auto-constituer comme nous sommes... Ces limites sont elles-mêmes les limites inhérentes à notre capacité réflexive. Mais ce pouvoir existe cependant. Nous disposons d’une « certaine puissance de nous vouloir individuellement et collectivement en conscience ».Une réflexion sur l’existence doit contribuer ainsi, malgré les limitations évoquées, à développer en l’homme « la capacité d’un agir autonome lié à la rationalité »[18].
Le rôle de la philosophie prend tout son sens dans le cadre de cette marge de liberté. La compréhension de ce que nous sommes, de la nature de nos affects, et plus globalement de l’ensemble des rapports de composition et de décomposition dans lesquels nous nous inscrivons est déjà source de transformation : la connaissance est en elle-même augmentation de ma puissance et donc source de joie, et transforme mon regard sur ce que j’apprends à mieux comprendre. Cette joie de connaître ne peut que provoquer en retour un amour de la connaissance (l’amour étant cette « joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure », L’Ethique, Spinoza).
La réflexion sur l’existence et le rôle de l’expérience (François Jullien)
Notre vie dépend en partie des raisons et justifications que nous lui donnons, ou du sens intime qu’elle a pour nous. Mais force est de constater que ces raisons ou ce sens sont très subjectifs et relatifs à la singularité de l’agent qui y réfléchit (elles ne sont donc pas valables pour tous), et surtout qu’ils se modifient en fonction des évènements. Enfin, ils sont liés au temps qui passe, le passé pesant de plus en plus sur eux, jusqu’à la mort. L’intelligibilité que nous cherchons désormais pour notre vie n’est plus l’objet de mythes ou d’idéaux canoniques comme dans l’Antiquité, mais d’une élaboration individuelle singulière qui n’est plus façonnée en fonction d’une hiérarchie établie des activités humaines.Cela nous introduit à l’importante question de l’expérience dans la conduite de nos vies, lieu d’un véritable pouvoir qui, en même temps, ne peut s’exercer qu’en étroite relation avec les évènements vécus, dans une sorte d’interaction permanente où l’action du sujet est inséparable de ce qui lui arrive… Nous pouvons retrouver par ce détour l’aptitude à l’expérimentation que nous avions rencontrée avec cette figure de « la sculpture de sa vie », mais cette fois-ci étroitement associé à une autre dimension de l’expérience (l’expérimentation active étant la première), plus passive et réceptive, celle de la lente « décantation » du vécu. François Jullien[19] insiste sur cette manière dont le sujet peut reprendre la main. Selon lui, il faut avoir vécu pour vivre en se rapprochant de cette idée d’une plus grande initiative sur sa vie : ce n’est pas « à l’arrache » par un effort volontariste, mais par un long processus de décantation que nous devenons capable d’exercer un tel pouvoir, témoignant d’une plus grande liberté dans ses choix. Cette nouvelle initiative ou responsabilité est le fruit d’une réflexivité sur son expérience passée. Les deux dimensions de l’expérience, comme nous l’évoquions précédemment, sont convoquées dans cette sorte de « réforme » personnelle[20] : une expérience proche de l’expérimentation et de la connaissance, qui est active et prospective (je fais l’expérience de quelque chose) ; mais celle-ci ne peut porter tous ses fruits que si elle est le résultat assumé d’un second type d’expérience, qui est rétrospectif, récapitulatif, capitalisation d’un vécu, sans objet précis particulier (être un homme d’expérience, avoir de l’expérience). Ce processus continu et global, est selon François Jullien, lorsqu’il survient –car aucune nécessité pour qu’il survienne, nous pouvons rester dans la répétition du même « ad aeternam » -, le fruit de ce qu’il appelle des « transformations silencieuses » qui ont lieu le plus souvent à mon insu[21], mais qui peuvent être l’objet, à un moment donné de leur décantation, d’une prise de conscience salvatrice. Il ne s’agit pas de vérités démontrées ou argumentées par la raison, mais d’enseignements et de mises à jour progressives d’illusions auxquelles jusque-là nous adhérions naïvement. C’est par une démarche cette fois-ci plus active et responsable que je vais orienter ma vie (expérience dans le premier sens) selon ces nouvelles ressources découvertes. Elles relèvent essentiellement d’une plus grande lucidité ou clairvoyance qui vient creuser des décalages dans sa vie telle qu’elle est engagée, et entraînent une conscience aigüe sur l’irrévocabilité de la finitude et de la mort, qui jusque-là n’avaient été qu’entrevues de façon théorique. Mais aussi sur d’autres aspects du tragique, comme par exemple la maladie, les jeux de pouvoir et d’intérêts, les lâchetés, les intrigues, les ambitions, la médiocrité qui fait triompher, la solitude… Ce que François Jullien appelle « une seconde vie »nous conduit à percevoir la vie « plus à la racine », une vie « lavée de toute lassitude », comme un nouveau défi. Elle serait selon lui le contraire d’une certaine sagesse faite de résignation et de rétractation, que l’on associe généralement à la vieillesse… Pas question d’âge ici. Il s’agit de commencer à percevoir la vie dans sa nudité, « déshabillée », et à pouvoir amorcer « un nouvel élan et un nouveau défi». Il faut répéter ici qu’un tel changement et à la fois le fruit d’une pure immanence et le choix volontaire d’un sujet. De ce changement naît un pouvoir et une responsabilité nouvelle sur notre vie.Dans ce travail de lucidité, rien n’est joué à priori, et nous pouvons toujours avoir la tentation de ne pas vouloir déshabiller ainsi le réel au risque de menacer la vie, de chercher à dissimuler le fruit de cette expérience décantée. Mais nous pouvons au contraire décider de l’assumer…
Expérience et identité narrative (Paul Ricoeur)
La référence à l‘expérience nous permet de sortir du schéma démiurgique du créateur et de son œuvre, sans pour autant abandonner l’idée d’un pouvoir sur sa vie. L’activité réflexive est dans ce cas intimement associée à la vie vécue et aux évènements traversés, dans une forme d’unité et de cohérence possible qui nous rapproche de la phrase fameuse de Comte-Sponville : « penser sa vie, vivre sa pensée ». De plus, avec la notion d’expérience, l’empreinte (et non l’emprise) du sujet sur sa vie est désormais pensée dans le cadre de la dimension temporelle de l’existence. Mon identité personnelle ne peut ainsi être appréhendée en dehors d’un processus narratif, que Ricoeur nomme l’identité narrative. Nous voilà très éloigné d’un cogito cartésien qui ouvrait la voie d’un moi quelque peu « exalté » - dont relève à mon sens une telle formule « être l’auteur de sa vie »-, mais prenant ses distances également avec un « moi humilié » (accusé de mirage ou d’illusion) hérité de la psychanalyse ou des sciences sociales.
Avec Paul Ricoeur, le langage lui-même tient une place essentielle dans l’autobiographie en tant que l’auteur ou l’acteur est précisément celui qui correspond et qui répond aux questions « qui ? » - qui a fait ceci ? Qui a agi ainsi ? A qui cela est arrivé ? -. Autrement dit, nous nous construisons à travers une histoire qui se raconte et dont je suis le personnage principal, et qui comme toute histoire est susceptible de donner lieu à un récit de type historiographique ou fictionnel. Mon identité se forme dans le temps sous la forme d’une histoire racontée qui dit le « qui » de l’action[22]. C’est la raison pour laquelle Ricoeur la nomme « identité narrative ». Dans « Soi-même comme un autre », il va mettre l’accent sur le caractère à la fois réflexif et éthique d’un tel processus, et la réponse qu’il est désormais en mesure de donner à notre question de ce soir apparaît complexe et nuancée : cette identité narrative est envisagée autour de deux pôles : le pôle « idem » de l’identité biologique, des traits constants du caractère, de ce l’on pourrait nommer la part de déterminisme en soi qui se répète, et le pôle « ipse », qui est celui de l’autodétermination d’un soi qui se reconnaît l’auteur responsable de ses actes. Chacun tente de donner sens et cohérence à sa vie sur le mode de la mise en récit (qui ne prend bien sûr pas nécessairement l’allure d’un récit écrit, même si un certain nombre de techniques autobiographiques aujourd’hui utilise les ateliers d’écriture, parfois dans un but thérapeutique). L’introduction du récit permet d’articuler le temps humain sous la forme d’une expérience temporelle intelligible. Il faut comprendre cette expérience comme étant celle d’une vie, ou tout au moins d’un plan de vie, et qui ainsi permet de viser une certaine unité.
Le modèle du récit ou de la mise en intrigue fait comprendre comment, par-delà les ruptures, les successions d’évènements, l’extrême diversité des épisodes, une « histoire » prend forme, comme dans un roman, et va donner son unité au personnage principal et aux actions qu’il traverse. Ainsi notre histoire personnelle se raconte en même temps qu’elle se fait, dans un « nouage » subtil entre le rétrospectif (où je mets en ordre et en sens ce qui m’arrive) et le prospectif (ce que Ricoeur appelle le « souci », autrement dit des « visées prospectives »). Ecoutons Ricoeur : « « C’est précisément en raison du caractère évasif de la vie réelle que nous avons besoin du secours de la fiction pour organiser cette dernière rétrospectivement dans l’après-coup, quitte à tenir pour révisable et provisoire toute figure de mise en intrigue empruntée à la fiction ou à l’histoire. En contrepartie, au sein du récit rétrospectif prend place « le souci », autrement dit des visées prospectives… Pour résumer : le récit cherche « à articuler narrativement rétrospection et prospection »…« L’unité narrative est un mixte instable entre fabulation et expérience vive »[23]. La dimension de la promesse, c’est-à-dire de la fidélité que nous nous devons à autrui et à nous-mêmes (respect de la parole donnée) étant en quelque sorte le fondement éthique de cette construction narrative. Celle-ci a le mérite de faire toute sa place aux évènements et circonstances de la vie, mais également de mettre en relief l’activité du sujet, le rôle déterminant de l’action émanant du sujet, qui relie et donne son orientation d’ensemble au-delà de la disparité des épisodes.
Le primat de l’action. Action et liberté (Hannah Arendt)
L’action n’apparaît-elle pas en fin de compte comme l’élément déterminant qui fait de moi au minimum un acteur et même un sujet ? C’est en tout cas ce que pense Hannah Arendt[24]. Que représente l’action pour elle : c’est l’activité humaine qui porte sur l’organisation des rapports des hommes entre eux, et qui concerne donc « la pluralité humaine », et les relations intersubjectives en tant que dimension essentielle de la vie humaine.Elle est donc de nature politique au sens profond et étendu de ce terme. Avec l’action je commence quelque chose de moi-même, à condition de ne pas l’entendre comme la conséquence d’une libre décision, d’une volonté préexistante ; nul sujet-substrat, comme dirait Nietzsche, qui se cache derrière l’action et qui opère en silence, mode de pensée qui relève d’un préjugé d’ordre « grammatical » dit ce dernier, consistant à toujours placer un « je » devant le verbe d’action… Il n’y a pas d’être en dessous de l’action. Pour Arendt également, l’agent de l’action naît et se révèle à travers l’action même[25]. Une action n’est pas imputable à un sujet, mais le sujet est l’enfant de l’action. C’est-à-dire que lorsque nous agissons, nous donnons naissance au « qui » de l’action (ici proche de Ricoeur, bien que pour lui le sujet éthique préexiste à l’action). Le « qui suis-je », en tant que singularité, est l’enfant de l’action alors que le « que-suis-je » la précède, étant la somme des sédimentations de ce que j’ai été et de ce que je suis avant d’agir. Pour Arendt comme pour Nietzsche, l’action est tout, et la liberté est synonyme de l’action. Ma liberté se révèle à travers elle. C’est ce que Arendt appelle « le miracle des commencements », associé intimement au concept de natalité, qui ne correspond pas seulement à la naissance biologique, mais aussi à chaque fois que dans l’action nous renaissons et créons quelque chose de nouveau dans le monde.« Le miracle qui sauve le monde, les affaires humaines de la ruine normale, « naturelle », c’est finalement le fait de la natalité, dans lequel s’enracine ontologiquement la faculté d’agir ». L’action est donc ce qui nous permet de nous soustraire de la « gangue mondaine », autrement dit des déterminismes sociaux et psychologiques qui régissent la plupart du temps notre monde (et nous-mêmes dans ce monde)[26]. Ainsi il ne faut jamais cesser de commencer, sous peine d’être terrassé par l’entropie et la ruine naturelle des choses. L’institution démocratique est en cela exemplaire car elle ne doit jamais cesser de commencer si elle ne veut pas être victime de cette entropie naturelle. C’est en même temps sa caractéristique essentielle et sa difficulté principale. Sa fragilité constitutive mais aussi sa force. Nous sommes ici dans le même univers de pensée que Fréderic Worms[27]qui préconise une définition de la démocratie « par ses problèmes et contre eux », de la même façon que l’on ne peut pas définir la vie sans la mort et le combat qu’elle mène contre elle…
« Deviens ce que tu es » ? La nécessité nietzschéenne
Il faut bien reconnaitre que surgit une difficulté redoutable à ce moment-là de la réflexion arendienne : cette référence à une pure spontanéité de l’action synonyme de liberté, sans qu’on puisse la rattacher à une quelconque « substance » ou « être » particulier qui en serait le fondement, est en soi problématique. Et ce n’est pas le recours « au miracle du commencement », bien que l’expression soit évocatrice, qui peut de ce point de vue nous rassurer entièrement… Voilà que le débat que nous avions voulu ajourné au commencement ressurgit : nous avions voulu éviter d’entrer dès le départ dans le débat de nature ontologique concernant le déterminisme et la liberté, mais nous y voilà pourtant contraint ici… La réponse idéaliste sartrienne serait bien sûr recevable, mais elle ne semble pas aller dans le même sens. Liberté absolue d’un sujet qui se définit avant tout par son pouvoir de néantisation des déterminations visant à faire de nous des choses. « L’important n’est pas ce que l’on a fait de moi, mais ce que je fais de ce que l’on m’a fait ». Certes je suis toujours en situation, j’ai un corps, une naissance, un milieu, une histoire…etc., mais je ne suis pas ce corps, cette naissance, ce lieu, cette histoire, au sens où j’ai toujours la capacité de m’en arracher en tant qu’être de projet. Qu’il le veuille ou non, un sujet-substrat est bel et bien ici la référence, même si en l’occurrence il se définit par cette liberté néantisante – le pour soi opposé à l’en soi -, et non comme essence. Arendt ne semble pas reconduire un tel libre-arbitre, je suis certes acteur de ma vie, mais je suis pris dans la mêlée de l’existence et ne dispose pas d’une quelconque maîtrise sur les conséquences ultimes de mes actions (surtout pas sur l’histoire).Nous pouvons et devons agir dans et sur le présent, mais sans s’inscrire dans une visée prétendument maîtrisée d’un futur à long terme (selon elle, la fin ne peut être connaissable par avance). En revanche, nous pouvons constater dans cette approche l’importance du « faire », qui rapproche Sartre de Arendt sur ce point. L’actionpour Arendt consiste à initier du neuf dans le monde, et par conséquent nul ne peut prétendre en maîtriser le cours, elle ne peut évoluer que dans une certaine opacité. A ce titre, comme cela a déjà été dit, je ne suis pas plus auteur de l’histoire des hommes que de ma vie elle-même !Un autre type de réponse semble plus proche de la réflexion arendienne, sa proximité avec celle-ci a d’ailleurs était évoquée : le « Deviens ce que tu es » nietzschéen[28], formule empruntée au poète grec Pindare, qui renoue avec la filiation d’un certain déterminisme - celui du Spinoza de l’Ethique, nous allons y venir également -, formule emblématique mais souvent incomprise: elle ne signifie pas vouloir être ce que nous ne sommes pas, ou encore rêver d’être ce que l’on souhaite devenir au nom de la revendication au bonheur… Il ne peut y avoir chez Nietzsche un individu souverain qui déciderait librement d’un changement piloté par la seule raison ou conscience. En revanche Nietzsche interroge fortement le processus d’individuation lui-même.Une telle injonction peut s’inverser aisément : je suis également ce que je deviens.Le moi est avant tout une perspective qui se construit à partir des actions et expérimentations que je conduis. Etre autonome pour lui, c’est bien se donner sa propre loi : non pas l’impératif catégorique kantien, mais celle d’une nécessité qui en nous, reste impersonnelle tout en étant radicalement singulière. « Devenir ce que l’on est suppose que l’on ne pressente pas le moins du monde ce que l’on est »[29]. Il s’agit alors d’obéir à sa « pensée maîtresse », à sa « volonté dominante » qui a pris le pas sur les autres volontés : lorsque nous sentons que c’est le cas, alors nous pouvons dire, d’un point de vue nietzschéen, que nous sommes devenus ce que l’on est… Mais si je suis en quelque sorte l’ensemble de ce qui m’arrive et de ce qui m’est arrivé, de ce par quoi nous sommes passés ou de ce qui est passé en nous, ces « évènements » sont un peu comme des cours d’eau : « ils peuvent gonfler ou s’amenuiser, confluer ou se diviser, faire de longs méandres ou déferler droit vers la mer, ils peuvent aussi s’assécher définitivement ou attendre la prochaine saison des pluies. Se connaître soi-même, c’est moins écrire un livre d’histoire que dresser une cartographie »[30]. La formule lacanienne censée résumer l’éthique de la psychanalyse, quoique différente, entretient des liens évidents avec la formule nietzschéenne : « Ne pas céder sur son désir ». J.A Miller, exécuteur testamentaire de Jacques Lacan commente cette phrase ainsi :« Le désir de l’analyste, c’est d’obtenir le plus singulier de ce qui fait votre être, c’est que vous soyez capable, vous même de cerner, d’isoler ce qui vous différencie comme tel, et de l’assumer, de dire : Je suis ça, qui n’est pas bien, qui n’est pas comme les autres, que je n’approuve pas, mais c’est ça. ». Ne s’agit-il pas là encore de tâcher de contacter sa nécessité propre comme un fragment de destin, mais dans l’après-coup, et qui même ne peut être constatée vraiment qu’une fois mort ?Etre auteur de sa vie revêt alors un tout autre sens… « Amor fati » dirait Nietzsche.
Un déterminisme compatible avec des choix dont nous sommes les sujets, et avec un réel sentiment de liberté… Mais pas de libre-arbitre.
« L’homme n’est pas un empire dans un empire »[31] et se trouve donc soumis comme n’importe quel objet de la nature à ses lois, traversé lui aussi par la logique de causalité. Etre auteur de sa vie ne peut alors se comprendre – si l’on tient à cette formule – que dans l’acte de reconnaissance, d’accueil et d’assomption d’une telle nécessité, et dans la façon dont je vais vivre avec. Nous avions eu l’occasion d’énumérer quelques réponses possibles face à l’inéluctabilité de la nécessité (forme moderne du destin) il y a quelques années : attitude stoïque, chrétienne, schopenhauerienne, camusienne, nietzchéenne ou rossettienne… Cela ne signifie pas pour autant qu’empiriquement nous ne vivons pas l’expérience de la liberté.Il est empiriquement indiscutable que nous faisons des choix, délibérons, prenons des décisions. Que nous pouvons parfois être contraints par d’autres hommes, et que d’autre fois nous pouvons agir librement, c'est-à-dire sans ce genre de contraintes (autrement dit, la liberté au sens de la philosophie politique n’est pas en cause). Bref que nous agissons selon notre gré, c’est à dire volontairement : je peux vouloir ce que je fais, mais en revanche rien ne me garantit que ce vouloir est lui-même libre (je suis là avec vous ce soir parce que j’en ai décidé ainsi librement, mais la question est : ce vouloir est-il lui-même libre, ou est-il à son tour déterminé par des causes que j’ignore, ou dont je n’ai conscience que très partiellement, ou -pourquoi pas ?- que je connais assez bien ?). Autrement dit, je ne suis nullement contraint contre ma volonté à faire ou penser ceci ou cela, mais peut-être suis-je contraint à avoir nécessairement le désir ou la volonté de penser ou d’agir ainsi.Non pas « le miracle des commencements » évoqué par Arendt, mais une action qui, quel que soit son caractère parfois imprévu et imprévisible –car la nécessité n’empêche pas la surprise -, est un « commencement » qui n’a rien d’absolu et qui s’inscrit dans des chaînes de causalité, quel que soit par ailleurs la complexité de celles-ci. Expérience réelle de liberté pour nous, disions-nous, mais absence de liberté au sens otologique de cette notion.
L’exemple pris par Rosset dans son premier livre sur le tragique[32] peut nous aider à bien comprendre ce dont il s’agit : Lorsque Rodrigue, entre le devoir filial et son amour pour Chimène, choisit le devoir, nous pouvons penser qu’il est libre, et développer l’analyse suivante : ne s’agit-il pas de l’exemple même de l’exercice d’une authentique liberté morale ? Rodrigue est libre de choisir entre son désir et la morale, et choisit le devoir. Il est ainsi méritant dans son choix, et responsable de son héroïsme. Pour Clément Rosset, ce type d’analyse est complètement illusoire : Rodrigue préfère et ne choisit pas : il n’y a pas réellement conflit entre la grandeur héroïque par renoncement moral et la joie personnelle, dût-il en coûter l’honneur ; il n’y a que la générosité de Rodrigue, et il suffit juste de savoir laquelle de ces deux voies est la plus généreuse. Ce n’est pas sa liberté qui choisira, mais « le plateau le plus lourd qui imposera son choix » à la volonté de Rodrigue déjà soumise au verdict de l’honneur. Une fois sa décision prise, le héros cornélien constate en effet avec enthousiasme la nécessité de son attitude, à quel point il lui était impossible de choisir autrement ; « avec quelle joie il constate l’inexistence de sa liberté ». Point de regret, car il n’a fait que subir l’évidence de la supériorité d’un bien sur un autre. Nous pouvons opportunément rappeler à ce sujet ce que dit Spinoza à propos des valeurs : je ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne (en soi), mais cette chose est bonne parce que je la désire. C’est mon propre mouvement vers ce qui est selon moi bon ou mauvais (mon attirance ou mon aversion) qui détermine ce qui l’est réellement (déterminations immanentes et non transcendantes).
Retrouver « une autorité de soi-même » ? (Spinoza)
Une question subsiste, et non des moindres : si nous sommes une partie de la nature parmi les autres, si nous obéissons à son ordre commun, étant constitutivement « capacité à être affecté »[33]par les êtres ou les choses à l’intérieur comme à l’extérieur de nous, sommes-nous condamnés à un état de servitude (notamment passionnelle), simple « fragment de destin » selon l’expression utilisée plus haut ? Une telle condamnation rendrait à jamais dérisoire l’automystification qui consisterait à croire être l’auteur de sa vie ! Tout l’enjeu de l’Ethique va précisément être de montrer le chemin d’une libération possible : il y a certes une passivité inhérente à notre conformation humaine, mais nous avons aussi la capacité de transformer nos affects passifs en affects actifs, c’est-à-dire de devenir davantage « cause de soi » et de dépendre moins des causes extérieures à soi. Ainsi la liberté ne s’oppose pas à la nécessité mais à la contrainte : est libre l’être agissant selon la nécessité de sa propre nature, contraint celui qui est déterminé à agir par une nécessité extérieure à la sienne. Il est possible d’intégrer le désir –essence de l’homme selon Spinoza – dans une forme de cohérence réglée par la raison. Comment ? Non pas grâce aux commandements d’une raison ou d’une volonté surplombante sur notre réalité mentale, car aucune norme de vérité à priori ou principe moral universel ne peuvent s’opposer à la dynamique affective, qui est la seule réalité effective. C’est seulement en tenant compte des lois du désir que nous pouvons infléchir les comportements dans le sens des affects actifs : seuls des affects de sens contraire et de force supérieure peuvent permettre un changement dans le sens d’une affectivité plus joyeuse. Et c’est cette recherche d’une telle affectivité source de joie qui va ouvrir la voie à la raison. Bien loin de se combattre, désir et raison doivent s’épauler réciproquement pour s’orienter vers le plus désirable. Bien loin de désigner une alternative abstraite, ils sont tous deux les expressions d’un même effort pour persévérer dans son être et augmenter sa puissance d’exister. Seule la compréhension des affects et de leur cause véritable, et plus généralement de l’ensemble des déterminations dans lesquelles je m’inscris moi-même (puissance de comprendre) peut me conduire vers des êtres, des choses, des environnements qui me conviennent (en écartant ceux qui sont pour moi comme du poison). Et ainsi, comme le dit Deleuze commentant Spinoza[34], « J’entre en possession formelle de cette puissance…. Et j’éprouve des joies actives qui découlent de cette puissance d’agir comme puissance possédée ». Autrement dit, il y a un profond (et puissant) contentement intérieur à retrouver cette sorte « d’autorité de soi-même », n’étant plus soumis passivement aux affects, mais au contraire étant capable de renouer avec sa puissance propre et de se déterminer soi-même. « Nous devenons nous-mêmes cause de nos propres affects et maîtres de nos perceptions adéquates » (Deleuze). Cette force de retournement qui nous fait passer chez Spinoza de la servitude à une forme de libération en faisant l’économie de la liberté d’un sujet transcendantal, est sans égal, même si elle suscite mille et une questions auxquelles il n’est pas facile de répondre…
Daniel Mercier, le 26/12/2017
Annexe : retour sur le « dernier » Michel Foucault et sa compatibilité (ou non) avec la conception spinoziste
Même s’il est le créateur de cette formule de la vie comme oeuvre d’art, soumise en quelque sorte à la libre disposition de son « auteur », la question de sa compatibilité avec la vision spinoziste est complexe. En effet, même si sa conception du sujet comme matière éthique qui se façonne dans un rapport à lui-même, aux autres et au monde, peut apparaître problématique car trop proche de la vision du « Deus ex machina », en revanche l’insistance mise sur le souci de soi compris avant tout comme une fonction de vigilance, de concentration et d’attention vis-à-vis de soi-même, visant à m’accompagner de telle sorte que le moins de choses possibles se fassent machinalement, mais qu’au contraire elles puissent m’engager totalement, ne semble pas si éloignée de la pensée spinoziste. Lorsque Foucault pose la question « Que fais-tu de ta vie ? », il est nullement question d’un dédoublement introspectif où il s’agirait d’identifier une identité secrète et native, ni de se demander si elle est en conformité avec un idéal projeté pour « être heureux », mais d’intensifier son rapport à soi, son immanence à soi. Attention, vigilance, présence, en vue d’une adéquation toujours difficile entre ma pensée et ma vie, entre ce que je dis et ce que je fais. Recherche d’une force de congruence entre une pensée incarnée par sa nécessité propre – et qui peut tenir lieu de « principes » - et mes actions dans le monde.D'où la question essentielle : est-ce que tes actes ressemblent à tes paroles, est-ce que ta vie est fidèle à des principes, est-ce que tu ordonnes ton existence selon des maximes que tu te donnes ?Assurer le réglage entre les principes d'action que l’on se donne et ce qu'effectivement on accomplit, entre ses discours et ses actes. L'interrogation qui parcourt cet examen de conscience est la suivante : mes actions d'aujourd'hui correspondent-elles aux principes que je me suis donnés ? Comme par exemple ne pas se laisser assombrir par le chagrin, garder du temps pour soi, éviter les mouvements passionnels…etc. Les exercices spirituels, souvent des exercices de lecture et d’écriture, sont destinés à réduire de plus en plus l’écart entre ces principes et la réalité de mon existence. Ils visent à s’imprégner d’un petit nombre de principes et de règles, les assimiler et les incorporer au maximum, en prenant des notes, relevant des maximes que l’on apprend par cœur et que l’on se répète… Il s’agit de pouvoir disposer à tout moment d’un énoncé qui sera une arme efficace pour affronter des moments critiques (malheurs, catastrophes, deuils). Il y a dans ce retour à la construction antique de soi un goût prononcé de la maîtrise, et une vigilance propre à empêcher tout plaisir d’abandon. En cela le souci de soi de Michel Foucault est très proche du « grand style nietzchéen », que nous avions métaphoriser dans un autre texte[35]par la figure du cavalier et sa monture. Même si Spinoza ne semble pas avoir insisté autant sur l’importance d’une telle discipline de corps et d’esprit, il est conscient du fait qu’en l’absence d’une sagesse accomplie où l’amour et la connaissance remplacent l’obéissance à des principes, il est nécessaire d’avoir ce que André Comte Sponville[36] appelle « une morale de tout le monde » : ne pouvant « avoir une connaissance complète de nos affections », le mieux que nous puissions faire est « de concevoir une conduite droite de la vie, autrement dit des principes assurés de conduite, de les imprimer dans notre mémoire et de les appliquer sans cesse aux choses particulières qui se rencontrent fréquemment dans la vie, de façon que notre imagination en soit largement affectée et qu’ils nous soient toujours présents. ». Prenons un exemple avec Spinoza : pour appliquer la règle de vie selon laquelle la haine sera vaincue par l’amour et la générosité, et non compensée par une haine réciproque, il faudra penser souvent aux offenses faites aux hommes et à la meilleure manière de les repousser par la générosité. Ainsi en joignant régulièrement l’image de cette règle à l’image de l’offense, « elle ne manquera jamais de s’offrir à nous quand une offense nous sera faite (Ethique V, et IV). Si pour le sage, l’obéissance fait place à l’amour, pour tous les autres, faute de connaissance et d’amour (du moins suffisamment), l’obéissance est souhaitable. Nous voilà en réalité très proches des « techniques de soi » foucaldiennes. Le souci de soi intensifie le rapport à l’action : la distance ou le décalage qui ont toujours tendance à s’introduire entre le sujet et le monde sont la principale raison d’être de l’action et de sa primauté, une action réglée par des maximes. Le rapport de soi à soi est éminemment politique, il est constitué par le commandement, la domination, la maîtrise, d’où le concept de « gouvernement de soi » : le rapport ainsi instauré entre soi et soi est de même nature que celui qui est nécessaire pour gouverner la cité. En réalité, Michel Foucault, bien loin de laisser le champ des luttes au profit d’une introspection plus ou moins narcissique comme on l’a parfois accusé, s’attache au contraire à introduire la politique au cœur du sujet. Mais ce qui est conçu ici de façon très (trop ?) volontariste comme une expérimentation de soi permanente, serait sans doute considéré par Spinoza comme un pis-aller en l’absence d’une plénitude totalement accomplie…
Daniel Mercier, le 26 décembre 2017
[1] « Condition de l’homme moderne »
[2] « L’institution imaginaire de la société, 1975 ». Notion centrale de la philosophie de Castoriadis, pour qui chaque société est créatrice de son propre monde, d’un ensemble de significations imaginaires qui assurent son unité et sa cohésion. Chacun de ses membres porte en lui et reflète ce tissu de significations imaginaires au travers desquelles il perçoit et interprète le monde.
[3] « Devenir soi », Jacques Attali
[4] Cf. à ce sujet les travaux de Pierre Boutinet sur le projet
[5] « La démocratie contre elle-même », Marcel Gauchet
[6]Il faut remarquer à ce sujet que notre époque est intellectuellement marquée par le courant dominant du naturalisme, aussi bien au sein des nouvelles neurosciences, des sciences de l’évolution (paléontologie, éthologie, anthropologie physique...), ou de la philosophie contemporaine (philosophie de l’esprit, théorie animaliste...etc.).
[7] « L’euphorie perpétuelle », Pascal Bruckner
[8] « Une seconde vie », 2016
[9] Socrate : « une vie qui n’est pas examinée ne vaut pas la peine d’être vécue »).
[10] « Dits et Ecrits »
[11] Lire à ce sujet le bon article de Martin Duru dans Philo Magazine de décembre 2016 : « « Moi, ce chef d’œuvre ? »
[12] « L’Usage des plaisirs »
[13] Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale », article sur « vie humaine »
[14] Cette notion est librement empruntée au psychanalyste anglais Winnicott. La signification que nous lui donnons ici ne correspond pas nécessairement à celle que Winnicott a développée.
[15] Article citéPhilo Magazine de décembre 2016 : « « Moi, ce chef d’œuvre ? »
[16] Lire article déjà cité dans le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale.
[17] cf. « Théorie de la Justice », IIIème partie, John Rawls
[18]Article déjà cité dans le Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (Monique Canto-Sperber)
[19] « Une seconde vie »
[20] Il s’agit bien d’une réforme, et non d’une rupture ou d’une révolution. Cette réforme est au contraire une « reprise » ou un « dégagement » du passé vécu, mais qui en est en quelque sorte un prolongement décanté.
[21] Et non d’une résolution ou d’un acte de la volonté
[22]Temps et Récit, T. III
[23]« Soi-même comme un autre »
[24] « Condition de l’homme moderne »
[25] Ecouter l’émission « Les nouveaux chemins de la connaissance » consacrée à Arendt (France Culture, 2013), et le commentaire de EtienneFassin.
[26] Il faut préciser que c’est l’action politique qui intéresse ici Arendt, qu’elle soit individuelle ou collective ; celle qui nous expose d’une façon ou d’une autre dans le domaine public. Même si nous adhérons à une acception plus large, il ne faut pas oublier que le concept d’action chez Arendt, un des piliers du triptyque « action, œuvre et travail », lui est spécifique et ne correspond pas à l’acception du sens commun qui l’étend à tous les actes de la vie quotidienne.
[27] « Les maladies chroniques de la démocratie » ; cf. conférence à Sortie Ouest en septembre 2017 sur le même thème.
[28] « Ainsi parlait Zarathoustra », puis Ecce Homo
[29]Dorian Astor, philosophe spécialiste de Nietzche. Interview dans « Les Inrockuptibles », octobre 2016. Dernier ouvrage : « Deviens ce que tu es. Pour une vie philosophique »
[30] Idem
[31] Spinoza
[32] « La philosophie tragique », p 40
[33] Spinoza
[34] « Spinoza. Philosophie pratique »
[35] « Sommes-nous maîtres de nos désirs ? »
[36] Article « Spinoza », Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale