La liberté d'expression et ses limites (l'affaire "Charlie")
La question de la liberté d’expression et de ses limites est une question assez redoutable, philosophiquement parlant. Car tout le monde semble d’accord pour en reconnaître l’importance et la légitimité, mais les choses se corsent lorsqu’il s’agit de savoir jusqu’où elle doit s’exercer. Les passions que cette question suscite la plupart du temps n’est pas fait pour simplifier les choses...Dans un tel débat, il y a deux risques impo
1) se brandir à la figure des mots fatidiques et « définitifs », les maîtres mots qui sont censés tout régler (« Les valeurs de la République », sans plus d’explications), sorte de talismans qui ferment le débat au lieu de l’ouvrir. Nous devons au contraire nous efforcer de nous arrêter sur chaque point qui pose problème pour examiner ensemble les difficultés et les limites auxquelles ils nous confrontent. Et ne pas reculer devant les « questions qui fâchent ». C’est la condition indispensable pour qu’il y ait un véritable débat. Qui est commandé ni par le « politiquement correct », ni par une posture contestataire systématique. Mais par une volonté partagée de faire un peu plus de lumière sur chaque aspect de la question.
2) Confondre des questions de niveau logique ou épistémologique distinct. Le niveau psychologique du ressenti ; le niveau juridique et politique des principes de la République ; le niveau éthique ou moral (pas de différence ici) personnel qui préside à la conduite de nos actions. C’est en ayant à l’esprit ces distinctions et la façon dont notre réflexion sur la liberté d’expression s’efforce de les articuler ensemble que nous parviendrons à un résultat intéressant.
►Pour parler en connaissance de cause de la liberté d’expression et de ses limites, il est nécessaire en premier lieu de connaître la loi française. C’est-à-dire à la fois l’affirmation de son principe et la manière dont elle est juridiquement encadrée.
►Quelle était la signification profonde de « Je suis Charlie » ? Quels étaient les arguments de « Je ne suis pas Charlie » ? Comment peut-on y répondre ?
►Ne doit-on pas distinguer au moins deux niveaux de lecture possible sur la liberté d’expression ? Registre juridico-politique et registres des éthiques (éthique de conviction et éthique de responsabilité)
Une liberté encadrée juridiquement
On ne peut pas débattre philosophiquement de l’exercice de la liberté d’expression aujourd’hui, en gardant en mémoire bien sûr les évènements du mois de janvier (ne pas en faire mention serait une grande hypocrisie), sans faire un point précis sur le droit en vigueur, le cadre juridique qui réglemente l’exercice de cette liberté aujourd’hui.
►La déclaration de Droits de l’Homme de 1789
Article 1 : « La République assure la liberté de conscience, garantie la liberté des cultes »
Article 10 : « Nul ne peut être contraint pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre public »
Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »
Il est également à noter que depuis 1789, le délit de blasphème n’existe plus en France.
►Le même principe est rappelé dans la convention européenne des droits de l'homme « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. »
Cependant, elle précise :
« L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
La liberté d'expression n'est donc pas totale et illimitée, elle peut être encadrée par la loi. Les principales limites à la liberté d'expression en France relèvent de deux catégories : la diffamation et l'injure, d'une part ; les propos appelant à la haine, qui rassemblent notamment l'apologie de crimes contre l'humanité, les propos antisémites, racistes ou homophobes, d'autre part. Les mêmes textes encadrent ce qui est écrit sur le Web, dans un journal ou un livre : l'auteur d'un propos homophobe peut être théoriquement condamné de la même manière pour des propos écrits dans un quotidien ou sur sa page Facebook. L'éditeur du livre ou le responsable du service Web utilisé est également considéré comme responsable. En pratique, les grandes plates-formes du Web, comme YouTube, Facebook, Tumblr ou Twitter, disposent d'un régime spécifique, introduit par la loi sur la confiance dans l'économie numérique : ils ne sont condamnés que s'ils ne suppriment pas un contenu signalé comme contraire à la loi dans un délai raisonnable.
C'est la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, qui est le texte de référence sur la liberté d'expression.
►Les limites à la liberté d’expression : loi sur la presse de 1881
Son article 1 est très clair : « L'imprimerie et la librairie sont libres », on peut imprimer et éditer ce qu'on veut. Mais là encore, après le principe viennent les exceptions :
L’article 29 de la même loi définit la diffamation comme étant « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » (« X a une mauvaise haleine et ronfle »), ou la calomnie qui consiste à « imputer à quelqu’un des actions qu’il n’a pas commises pour lui faire du tort » (« X a volé dans la caisse de l'entreprise »), et l’injure comme étant « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (« X est un connard »).
Les articles 23 et 24 de cette même loi expliquent que « seront punis comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », en font l'apologie, et liste les propos qui peuvent faire l'objet d'une condamnation :
- les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
- les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal ;
- l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
- l'apologie (…) des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.
- [Jusqu'à janvier 2015] : Le fait d'inciter à des) actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie [désormais objet d'une loi spécifique].
- « La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”, ou encore “leur orientation sexuelle ou leur handicap” ».
►La loi Gayssot du 13 juillet 90 : interdiction de tout propos négationniste, c’est-à-dire la négation dans l’espace public de l’extermination des juifs et des Tziganes durant la seconde guerre mondiale.
►La loi de novembre 2014 sur la lutte contre le terrorisme sanctionne plus durement les propos faisant l’apologie du terrorisme : désormais ils seront condamnés en comparution immédiate, les peines encourues seront renforcées, et le fait que ces propos soient tenus sur Internet sera considéré comme un fait aggravant.. La même loi introduit également la possibilité d'un blocage administratif - c'est à dire sans validation a priori par un juge - des sites de propagande djihadiste
En résumé, la liberté d'expression ne permet pas d'appeler publiquement à la mort d'autrui, ni de faire l'apologie de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ni d'appeler à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. On ne peut pas non plus user de la liberté d'expression pour appeler à la haine ou à la violence envers un sexe, une orientation sexuelle ou un handicap.
Le droit d'expression est sous un régime « répressif » : on peut réprimer les abus constatés, pas interdire par principe une expression avant qu'elle ait eu lieu. Mais si une personne, une association ou l'Etat estime qu'une personne a outrepassé sa liberté d'expression et tombe dans un des cas prévus dans la loi, elle peut poursuivre en justice. En clair, c'est aux juges qu'il revient d'apprécier ce qui relève de la liberté d'expression et de ce qu'elle ne peut justifier. Il n'y a donc pas de positionnement systématique, mais un avis de la justice au cas par cas.
►La liberté d’expression rencontre aussi une sévère limitation quant au respect de la vie privée (article 226-1 du Code pénal) et du droit à l’image
Nous ajouterons deux lois concernant la laïcité qui ne sont pas des lois sur la liberté d’expression en tant que telle, mais qui ont des incidences directes sur cette dernière :
►La loi de 1905 sur la laïcité : le domaine public (l’Etat et ses services) n’a plus rien à voir avec le religieux. Séparation des deux pouvoirs, alors qu’ils n’ont pas cessé d’avoir des rapports croisés pendant dix siècles. L’ordre de l’Etat est séparé de celui de la société civile.
La liberté d’expression, en particulier religieuse est affirmée, et contrairement à une interprétation fausse de certains, il ne s’agit pas de la restreindre au champ de la vie strictement privée. Ses manifestations doivent être autorisée et protégée y compris dans l’espace public. Il n’y a en effet pas de liberté d’expression sans qu’elle ait les moyens de s’exercer publiquement... Seul l’Etat et l’ensemble de ses services publics (en particulier par l’intermédiaire de ses agents) doit montrer une stricte neutralité relativement aux croyances religieuses (ou à la non-croyance).
►La loi de 2004 sur l’interdiction du port de signes religieux à l’école. « Jusque là, les usagers n’étaient pas obligés d’être laïques... » (Michel Miaille), seule l’institution publique et ses représentants (agents de l’Etat) devaient l’être.
Nous ajouterons quelques précisions sur le cas particulier de l’humour
►La liberté d'expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l'antisémitisme. On ne peut donc pas imprimer en « une » d'un journal « il faut tuer untel » ou « mort à tel groupe ethnique », ni tenir ce genre de propos publiquement. Néanmoins, les cas de Dieudonné ou de Charlie Hebdo ont trait à un autre type de question, celle de l'humour et de ses limites. La jurisprudence consacre en effet le droit à l'excès, à l'outrance et à la parodie lorsqu'il s'agit de fins humoristiques. Ainsi, en 1992, le tribunal de grande instance de Paris estimait que la liberté d'expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui qu'elle représente », et qu'il existe un « droit à l'irrespect et à l'insolence ». Il appartient aux juges de décider ce qui relève de la liberté de caricature... Charlie Hebdo devait répondre devant la justice des caricatures de Mahomet qu'il avait publiées dans ses éditions. A l'issue d'un procès très médiatisé, où des personnalités s'étaient relayées à la barre pour défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé que l'hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins : « Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d'expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; attendu qu'ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement l'ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées (…) ». On peut donc user du registre de la satire et de la caricature, dans certaines limites. Dont l'une est de ne pas s'en prendre spécifiquement à un groupe donné de manière gratuite et répétitive.
Signification des manifestations « Je suis Charlie » pour la liberté d’expression
Quel est le sens véritable de « Je suis Charlie » ? « Je suis juif, je suis musulman, je suis flic, je suis Charlie ». Autrement dit, je suis citoyen de La République, et je défends ces valeurs de liberté et de laïcité qui nous réunissent et doivent nous protéger indépendamment de nos appartenances. La question de savoir si je suis d’accord ou non avec les caricatures, avec leur humour, avec le fait de savoir si leur combat est le bon, regarde chacun d’entre nous mais n’a strictement rien à voir avec le sens de la mobilisation du 11 janvier. C’est la République qui se lève le 11 janvier, en tant que communauté politique qui réagit à l’agression dont elle et ses principes fondamentaux sont l’objet. C’est le politique au sens le plus vrai du terme (indépendamment des appartenances de partis ou de confessions) qui fait irruption sur la scène nationale. Ce qu’ont dit au fond ces millions de français, c’est que ce qui les réunissaient, vivre ensemble dans une République laïque et de liberté étaient beaucoup plus important que ce qui les séparaient, et que ce combat là était un des combats politiques (au sens « noble » de ce terme) essentiels. C’est une communauté politique, au-delà des clivages de LA politique, qui a fait irruption pour se faire entendre.
Répondre aux arguments de ceux qui disent « Je ne suis pas Charlie »
► La liberté de critiquer n’est pas la même chose que la liberté d’offenser. Mahomet, L’Islam, représentent quelque chose de sacré pour moi. Je me sens offensé par les caricatures. Il devrait être interdit de se moquer des religions : rétablissons le délit de blasphème.
Concernant la question du droit ou non à l’offense : toute la question est de savoir qui fixe les limites entre critique et offense ; car l’offense est quelque chose de subjectif : pour certains la caricature de Mahomet, ou le cliché d’un crucifix plongé dans un bain de sang et d’urine (« Immersions, œuvre de l’Américain Andres Serrano) est vécu comme un affront, d’autres y seront totalement indifférents. Ce qui doit limiter ma liberté est une autre liberté et non ma susceptibilité variable d’une personne à l’autre. Il est vrai qu’au nom de l’offense ressentie (nul ne peut par ailleurs contester un ressenti effectivement vécu...) n’importe quelle censure pourrait se justifier : je peux aussi par exemple trouver insultant et offensant pour les personnes africaines atteintes du sida les positions du Pape contre la contraception, est-ce une raison suffisante pour interdire ses propos dans l’espace national ? Si l’offense suffisait pour interdire, les plus « fondamentalistes » dans leurs opinions –c’est-à-dire ceux qui supportent le moins les opinions contraires – seraient les seuls juges pour fixer une censure toujours plus sévère et liberticide envers tous les propos qu’ils jugeraient relever de l’offense et du sacrilège, entraînant ainsi un mouvement de surenchère qui peut faire le lit des plus fanatiques...
Cependant, un critère de l’offense en matière religieuse semble davantage relever de quelque chose d’objectif : certains croyants (notamment à l’intérieur de l’Islam mais aussi dans la religion chrétienne) se réfèrent à la notion de blasphème pour faire la différence entre une offense ordinaire et une offense provoquée par l’attaque portée à quelque chose de sacré. Le critère paraît cette fois objectif : le délit de blasphème s’applique à chaque fois que l’on porte atteinte au caractère sacré de la religion. Mais là encore, ce critère ne peut s’appliquer à tous : il dépend des systèmes de représentations et de croyances de chacun. La République, par définition laïque, ne peut reprendre à son compte le caractère sacré de tel ou tel « bien », car çà serait déroger à sa neutralité, condition indispensable du pluralisme démocratique. Il ne peut en effet y avoir blasphème à partir d’un point de vue qui s’efforce de mettre toutes les croyances sur le même plan, et qui ne peut par conséquent reconnaître le caractère sacré de l’une d’entre elles dans l’espace public. Car si l’on reconnaît sacrés les attributs religieux des trois monothéismes, que dire alors de ce qui pourra être jugé offensant du point de vue du « sacré » Mormon ? Des Témoins de Jéhovah ? Mais d’autres « sacrés » apparemment non religieux ont tenté dans l’Histoire de faire valoir leur Vérité comme la seule légitime à s’exprimer : Staline, Mao, Pol Pot, l’ancien Ku Klux Klan aux USA et le sacré de sa « suprématie blanche » ...etc. La logique du sacré et de l’offense est très dangereuse si la République ne sait pas s’en séparer (ce qui ne signifie pas que cette valeur cesse d’être légitime dans le cadre d’une religion déterminée, pour les croyants concernés). « Une fois qu’elle est en route, il n’y a plus de bouton « on-off » pour l’arrêter » (Paolo Florès d’Arcais). Ce qui est difficile, c’est que pour certains croyants la loi de la religion est « plus sacrée » que la loi de la République... Si c’est la susceptibilité et l’offense subie (telle qu’elle est vécue subjectivement) qui fixent les limites de la liberté, cette logique conduit à faire le lit du fanatisme : elle justifie la condamnation à mort du blasphémateur (dans certains pays), ou mieux de l’apostasie, ou d’un millier de coups de fouets à l’instar du blogueur saoudien Raif Badawi qui est accusé d’enfreindre les valeurs religieuses.
Nous ne devons pas considérer non plus qu’il y aurait une religion civile qui s’appellerait la République et qui prévaudrait sur toutes les religions, car nous entrerions alors dans un combat des différentes « sacralités » (cette idée de « religion civile » a pourtant était souvent défendue, elle est présente dans le Contrat social de Rousseau). Mais en réalité, l’idée républicaine est fondée avant tout sur un contrat collectivement décidé par des individus également libres ; et le principe laïque séparant l’Etat et les cultes, sur un principe juridique et politique de coexistence pacifiée entre les différentes croyances et options spirituelles. Les principes républicains ne tirent leur légitimité que des individus également libres qui les soutiennent... En ce sens effectivement, la primauté de la démocratie sur les autres valeurs ou principes est affirmée.
►Ils l’ont bien cherché ; comme a dit le Pape lui-même « Si on injurie ma mère, je donne un coup de poing ! »
A propos des actes fanatiques, François 1er semble concéder à leur décharge que lorsqu’on est offensé c’est normal de se défendre, et que « si on injurie sa mère », il va donner un coup de poing à l’auteur de l’injure... Le Pape commet trois graves erreurs : 1) Il néglige le caractère disproportionné de la réaction en ce qui concerne l’assassinat de 17 personnes en réponse à des caricatures. Ce que les manifestants mettaient en évidence en brandissant des dessins opposant les crayons aux armes meurtrières. Les éventuelles violences verbales ou graphiques ne peuvent pas être mises sur le même plan que les violences physiques et la mort. Même l’archaïque Loi du Talion (œil pour œil, dent pour dent) posait l’équivalence du crime au châtiment. 2) Il néglige le principe élémentaire de l’état de droit selon lequel on ne doit pas se faire justice à soi-même. 3) Et surtout il confond croyants et croyances. Chaque croyant est inconditionnellement respectable en tant que personne. Toute injure à son endroit est condamnable et mérite réparation. Mais la croyance n’est pas, elle, respectable en tant que telle, pas plus que n’importe qu’elle autre idéologie ou opinion. Cela signifie qu’elle peut être l’objet de critiques mêmes virulentes, voire ne pas être « respectée » (au sens où l’on peut se moquer d’elle, la tourner en dérision etc.). Cela s’appelle le droit à la satyre, à la caricature, à la dénonciation...etc. Vous avez le droit de vouer aux gémonies une croyance ou une idéologie, et dieu sait ( !) que certains anticléricaux ou autres ne s’en sont pas privés au cours des derniers siècles. Mais les diatribes contre les « infidèles » ou autres « mécréants » ne sont pas en reste non plus... Nous avons ainsi le droit par exemple d’écrire un « brulot »[1], qui va « brûler » (mais pas au sens propre, c’est toute la différence !) sa « victime » (celle-ci étant en principe non pas une personne mais une opinion, une idéologie, une croyance, une création (pensons par exemple comment certaines œuvres d’art ont été littéralement vilipendées lors de leur création). Une croyance est une idée, une entité abstraite, et ne peut et ne doit être confondue avec ceux qui la portent. Cela au nom du respect que l’on doit aux personnes quelque soit leurs croyances (principe de laïcité). Il est vrai cependant que nous ne pouvons pas ne pas tenir compte du fait que des personnes vont s’identifier à leurs croyances au point de ne plus faire la différence entre eux et elles ; l’offense sera alors vécue comme s’ils en étaient les victimes directes. Le principe de la séparation entre croyances et croyants est certes rationnellement valide dans notre culture de la modernité (comme nous venons de l’expliquer), et il est au fondement de notre conception du vivre ensemble. Mais cela ne signifie pas que nous devions rester aveugle à la façon dont d’autres, peut-être culturellement formés sur d’autres présupposés, ou tout simplement parce que cette séparation entre moi et mes idées est tout sauf évidente à pratiquer au quotidien (qui peut dire honnêtement qu’il ne lui arrive jamais de s’identifier trop fortement aux idées qu’il défend, au point de recevoir la critique comme une flèche adressée à lui pour le blesser, en particulier quand celle-ci est méprisante ? Et ceux qui adressent les flèches sont-ils toujours très clairs sur la cible visée[2] ? N’ont-ils pas aussi souvent tendance à vouloir toucher « là où çà fait mal », et à faire eux-mêmes l’amalgame entre la croyance visée et celui qui la porte ?). En réalité cette séparation entre croyant et croyance joue le rôle d’un idéal régulateur sans doute peu discutable au niveau des principes, mais jamais totalement réalisable empiriquement. Il aide notre conduite, nous montre dans quelle direction nous devons nous orienter.
Par ailleurs les choses se compliquent quand une personne représente à elle-seule une religion (Mahomet, Moïse, Jésus Christ...), est le symbole vivant d’une croyance : dans sa fonction de représentation et de symbolisation, il est alors au-delà du statut de personne, et devient par là-même une entité appartenant au domaine public et pouvant être objet de critiques acerbes, et même de mépris. Mais l’on comprend dès lors la difficulté des croyants qui sont attachés à l’existence de ces personnages au cours de l’histoire, et à la réalité de leur dimension personnelle, même si celle-ci est à l’origine d’un mouvement spirituel et institutionnel de plus vaste portée. En tant qu’ « incarnation » vivante d’une idée, Moïse, Jésus ou Mahomet réalisent en quelque sorte la fusion entre une personne et une croyance. Comme tout principe, celui de la séparation entre croyance et croyants a aussi ses limites dans l’absolu, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une certaine validité empirique, et de nous fournir sur un plan pratique des repères très utiles pour la conduite de nos actions.
►Il y a deux poids, deux mesures : pourquoi défendre Charlie Hebdo, et interdire Dieudonné ? Alors que l’islamophobie et l’antisémitisme devraient être jugés pareils.
Il y a là une confusion sur le sens des termes : l’antisémitisme est une forme de racisme anti-juif (celui-ci rendant impossible de penser l’égale dignité de l’espèce homo sapiens, il n’est pas accepté dans l’espace public) qui doit être interdit. Ne pas confondre l’antisémitisme ni avec la critique du judaïsme comme religion, ni avec l’antisionisme qui est la critique de la politique de l’Etat d’Israël, et qui a parfaitement droit de cité. L’islamophobie est définie ainsi par le Conseil contre l'islamophobie en France (rapport 2014), « il s'agit de l'ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l'islam. Ces actes sont également légitimés par des idéologies et des discours incitant à l'hostilité et au rejet des musulmans. »
Le terme « islamophobie » suggère à l'origine une peur collective de la religion musulmane. Mais il s'impose depuis quelques années comme l'ensemble des réactions de rejet vis-à-vis des personnes musulmanes (ou supposées telles). Il est donc proche, si l’on s’en tient à cette définition, de l’antisémitisme, en tant qu’il manifeste un rejet des personnes musulmanes, et l’argument d’une similitude entre antisémitisme et islamophobie paraît légitime. Mais les journalistes de Charlie se défendent d’être islamophobes, et le jugement de 2007, comme nous l’avons déjà dit, leur donne raison : « Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d'expression et de communication des pensées et des opinions (…) ; attendu qu'ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal “Charlie Hebdo”, apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d'offenser directement et gratuitement l'ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont donc pas été dépassées (…) ». Charbes, le directeur de Charlie Hebdo, qui termine son livre testament deux jours avant sa mort, se défend très fermement « d’être islamophobe au sens raciste de ce terme. ».On voit bien ici la difficulté : la notion d’islamophobie peut revêtir deux sens très différent. 1) Celui d’un racisme antimusulman, qui se camoufle derrière la lutte contre l’Islam. Au nom d’une certaine laïcité, On « revendique une France blanche et chrétienne où tout le monde partage la même culture », soit une manière de dire qu’ « on ne veut pas des musulmans » (François Dubet). L’islamophobie est bien souvent en effet un racisme à l’encontre des personnes arabes sous couvert de religion. 2) Mais attention : l’ambiguïté du terme tient au fait qu’il désigne également la critique de la religion islamique et / ou islamiste. Tous ceux aujourd’hui, y compris dans le monde musulman, qui analyse sans concession comment l’Islam a accouché d’un enfant monstrueux qui s’appelle l’islamisme pourraient donc être accusé d’islamophobie ... Ce terme est ainsi instrumentalisé par les adeptes du fondamentalisme islamique afin d’empêcher toute critique de la religion. Ce que souhaiterait par exemple l’OCI (Organisation de la Conférence Islamique), qui milite pour que « la diffamation de religion » devienne un délit. C’est cette ambiguïté du terme qui fait dire à Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, qu'il refusait d'utiliser le terme « islamophobie », préférant l'expression « racisme antimusulman ». Pour conclure sur la question précédente : oui, l’islamophobie se rapproche de l’antisémitisme si on l’entend comme racisme antimusulman ; non, elle n’a rien à voir avec lui si on désigne par là la critique, même violente, de la religion. Compte-tenu de cette ambivalence constitutive, l’usage de ce terme n’est pas souhaitable...
Par ailleurs, Dieudonné tombe aussi (en plus de l’accusation d’antisémitisme), sous le coup des lois ordinaires condamnant l’incitation au meurtre : la revendication « Je suis Coulibaly », proférée le lendemain des meurtres de ce même Coulibaly, est une incitation au crime, non une liberté d’expression[3]. Qui ne voit sincèrement l’abîme de la différence ?
Le niveau juridico-politique de la loi et des institutions républicaines doit être distingué de celui de l’éthique personnelle. Ethique de conviction et éthique de responsabilité.
Tout ce qui vient d’être dit doit nous aider à poser précisément la question de la liberté d’expression et de ses limites. Une alternative semble se dessiner entre deux points de vue : 1) La liberté d’expression ne doit pas aller jusqu’à l’offense ou l’agression de certains croyants, à travers la satyre ou la dénonciation de leur religion, même si leurs auteurs expriment une vision du monde sous la forme d’un second degré, et qu’ils n’ont pas l’intention de blesser ; 2) Le blasphème n’est pas un délit en France, et n’est donc pas de nature à limiter une liberté d’expression qui est la marque de fabrique d’une République qui la protège inconditionnellement dans le cadre des limitations précédemment citées.
Peut-être ne doit-on pas cependant s'en tenir stricto sensu à cette alternative, qui n'est autre que l'alternative entre la morale déontologique (régie par la logique de principes absolus non négociables : ici, le principe est que la liberté d'expression n'aurait comme limite que l'atteinte à la personne humaine, comme par exemple l'incitation à la haine vis à vis de l'autre, le racisme, l'antisémitisme... Cette morale est généralement associée à une « éthique de conviction ». On voit déjà que l'interprétation que l'on peut faire à propos de cette "atteinte" ou de ce "préjudice" peut être variable : nous pouvons penser qu'en droit la caricature du prophète ne s'en prend nullement à une ou plusieurs personnes mais à une religion, c'est-à-dire à une vision du monde et à une institution -contrairement au racisme et à l'antisémitisme- mais peut-on dénier le fait qu'un grand nombre de musulmans se sentent offensés ?), et la morale conséquentialiste pour laquelle la morale ne repose pas essentiellement sur l'intention initiale mais sur les conséquences des actions. Morale qui s’accompagne la plupart du temps d’une « éthique de responsabilité »[4]. Le philosophe Ruwen Ogien montre bien dans "Les croissants chauds..."[5], à l'aide de nombreux exemples, que nous sommes la plupart du temps confrontés à des conflits de valeurs dans lesquels aucune raison déterminante ne nous permet de choisir une option plutôt qu'une autre. Il nous encourage à reconnaître l’existence de plusieurs conceptions morales, aussi raisonnables, et dont la confrontation n’a pas que des inconvénients dans la mesure où elles peuvent nous conduire à approfondir et à complexifier ces théories d’ensemble, tout en acceptant le pluralisme moral. Les morales déontologiques elles-mêmes savent désormais qu'elles sont impraticables dans l'absolu et admettent de très nombreuses dérogations à la règle. Ricoeur affirme que la "sagesse pratique" doit primer sur la seule application de la règle déontologique (tout en essayant de la trahir le moins possible), et que nous devons prendre en compte "les circonstances et les conséquences". De quelle « sagesse pratique » ici, pour reprendre un concept de Ricoeur, peut-il être question ? Avant de tenter de répondre à cette question, il est nécessaire, à ce point du développement, de distinguer deux niveaux de réalité, distinction qui nous permettra d’articuler ensemble ces deux manières de penser ; nous nous référions jusqu’à présent à l'éthique pour juger de la bonne attitude, mais nous ne pouvons pas occulter le niveau du politique : il me semble qu'aujourd'hui, comme nous avons tenté de le montrer, les valeurs de la République, et notamment la valeur centrale de la laïcité, exclut l'interdiction du blasphème, qui serait une contradiction flagrante minant le principe de laïcité dans son cœur. Une telle modification de la loi serait en plus un désaveu insupportable par rapport aux victimes de la folie meurtrière, et comme une sorte d’excuse. Il faut bien comprendre qu'au niveau des principes qui régissent notre existence collective, l'interdiction du blasphème serait une entorse considérable au droit de critique et à toute la tradition caricaturiste. Car encore une fois, pour la République française, le blasphème ne peut pas exister : le concept même est religieux, et ne peut avoir de sens dans le cadre d’un mode de pensée républicain ! Toute idéologie, toute philosophie, toute religion peut être critiquée et caricaturée... Comment faire une exception pour la religion sans saper le fondement même de cette laïcité ? Cependant, sur le plan d'une éthique personnelle et collective (mais n'est-elle pas ultimement personnelle ?) la question doit se poser différemment : si effectivement la caricature de Mahomet est vécue comme une insulte personnelle et communautaire par beaucoup de musulmans, les journalistes et la presse dans son ensemble ne peuvent qu'être concernés par les effets de tels actes -attentats horribles, impact sur la communauté musulmane française et surtout au plan international : pensons aux manifestations dans le monde arabe et aux morts qui ont suivis à chaque fois la médiatisation de caricatures du Prophète - qui, reconnaissons-le, sont disproportionnés par rapport aux gains escomptés (dans une logique conséquentialiste). Nous devons ici prendre en compte tout simplement le fait de l'altérité : contrairement à un universalisme proclamé -là est bien le particularisme français de se considérer le détenteur de l'universel !-, et même si nous sommes en droit de penser que nous avons raison de penser ainsi, la majorité de la population de larges territoires dans le monde, en particulier le monde musulman, s'identifie très étroitement à la croyance religieuse (c’est un effet de la structuration religieuse de l’ordre social), et pense que la prétention des droits de l’homme doit être résorbée dans un ordre qui les dépasse : la tradition (charia, fatwa) qui est directement la traduction du Coran et donc de la Révélation, fixe une Loi qui « atteint le sommet final dans la réglementation des rapports humains »[6]. Même les musulmans qui adhèrent globalement aux règles de la République (je pense que c'est le cas de la grande majorité des français de religion musulmane, ce qui montre que l’islam est potentiellement soluble dans la République), vivent comme une agression les caricatures du prophète. C'est un fait qu'on ne peut contester, même si on peut s’efforcer de combattre sur le terrain des idées cette prééminence du divin sur les affaires humaines, notamment sur la démocratie). On peut et on a même le droit et le devoir de discuter et critiquer les idées ; on ne peut pas et on n'a pas le droit de nier un affect alors même qu'il s'exprime. La position qui se dégage d'une telle analyse différenciant le niveau politique et le niveau éthique, conduit à tenir bon sur les principes juridiques et constitutionnels, tout en faisant confiance aux individus et aux divers groupes de la société civile, en particulier les médias mais pas seulement - tout le monde est concerné - pour avoir une intelligence de la situation leur permettant une "autorégulation" qui tienne compte de tous les éléments du contexte et des conséquences probables de leurs actions (ce que nous avons appelé avec Ricoeur « sagesse pratique »). Mais ceci dans le cadre juridique et politique d’une liberté de principe à aucun moment remise en cause. Cette « autorégulation » est d’ailleurs largement pratiquée[7], n’en déplaise aux « guerriers » de la laïcité...[8] Nous pouvons raisonnablement penser que les évènements récents vont faire prendre toute la mesure de son importance. L’anecdote suivante, très médiatisée aux lendemains des évènements de janvier 2015, illustre bien les termes de l’alternative entre une position qui s’arcboute sur la conviction et une autre plus soucieuse des effets produits par son action : la question s’est très vite poser aux médias de savoir s’ils devaient montrer les caricatures. Doit-on considérer en la matière qu’il n’y a qu’une position véritablement éthique, même lorsqu’on est attaché aux valeurs de la laïcité ? L’incident provoqué par Caroline Forest sur la chaîne anglaise Sky News semblerait montrer que pour cette journaliste la réponse ne peut être que positive, et que toute autre opinion doit être refusée, sous peine de renier la liberté d’expression elle-même : il y a une et une seule position éthique.... Que s’est-il passé ? Quand Caroline Forest, très proche de l’équipe de Charlie, le14 janvier, brandit devant les téléspectateurs de la chaîne Sky News où elle était invitée, la couverture du dernier exemplaire du journal à l’insu de son hôte, l’animatrice interrompe l’interview et s’excuse auprès des téléspectateurs qui auraient pu être offensés, en rappelant que la politique de sa chaîne était de ne pas montrer les caricatures du Prophète. Il s’en est suivi des propos indignés de la part de Caroline Forest qui parle « d’une violence inouïe et d’une hypocrisie absolue », et de la plupart des médias français... Nous pouvons pourtant légitimement nous demander ici de quel côté se trouve la violence et l’intolérance... Il y a en réalité deux lignes éditoriales différentes, et chacune peut à bon droit se réclamer d’une positionnement éthique.
Daniel Mercier, le 28/04/2015
- [1] Machine de guerre dont les Anciens se servaient pour lancer des dards enflammés.
- Petit bâtiment bourré de matières inflammables que l'on utilisait pour incendier les vaisseaux adverses.
- Tasse de café fort sur lequel on fait flamber un sucre arrosé d'eau-de-vie.
- Journal, tract, etc., se livrant à de violentes polémiques.
- Au Canada, moustique dont la piqûre provoque une sensation de brûlure.
[2] Charbes, dans son dernier livre testament (il y met la dernière main deux jours avant sa mort) se défend très fermement d’être « islamophobe au sens raciste du terme ». Soit. Mais cela signifierait-il alors que l’on peut être islamophobe autrement ? On voit bien ici la difficulté du partage entre une religion (ou n’importe qu’elle autre croyance) et la personne qui en est la dépositaire...
[3] En 2005, Dieudonné fait scandale en apparaissant dans une émission de France 3 grimé en juif ultrareligieux. Il s'était alors lancé dans une diatribe aux relents antisémites. Poursuivi par plusieurs associations, il avait été relaxé en appel, le tribunal estimant qu'il restait dans le registre de l'humour. En résumé, la loi n'interdit pas de se moquer d'une religion - la France est laïque, la notion de blasphème n'existe pas en droit - mais elle interdit en revanche d'appeler à la haine contre les croyants d'une religion, ou de faire l'apologie de crimes contre l'humanité – c'est notamment pour cette raison que Dieudonné a régulièrement été condamné depuis, et Charlie Hebdo beaucoup moins.
[4] Sur éthique de conviction et éthique de responsabilité, cf. Max Weber, « Le savant et le politique ».
[5] « De l’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine », Ruwen Ogien
[6] « Les Musulmans face aux droits de l’homme », Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh
[7] Davantage sans doute dans les pays anglo-saxons :cf. à ce sujet l’anecdote journalistique relatée plus haut.
[8] Entre nous, l’intérêt de la caricature du prophète, en dehors de l’aspect comique qui certes ne doit pas être occulté, n’est pas majeur... Sinon comme symbole du combat pour la liberté d’expression... A-t-on vraiment autant besoin d’en faire la démonstration ? N’est-elle pas un acquis que personne ne songe, dans notre pays, à contester (en dehors bien sûr des djihadistes) ? N’est-elle pas alors parfois une forme de défi ?